Cette funeste Victoire fut remportée assez heureusement, & pour Artamene, & pour Philidaspe : n’ayant chacun reçeu qu’une blessure assez legere.
Cependant le Roy de Pont, que l’amour & le despit ne laissoient pas en repos, & qui ne cherchoit qu’un pretexte, pour recommencer la guerre ; envoya se pleindre à Ciaxare, de la cruauté qu’il avoit euë. Mais ce Prince respondit, que ceux qu’il avoit punis estoient ses Subjets ; & ses Subjets rebelles plus d’une fois : & qu’ainsi il n’avoit à en rendre compte à personne. Le Roy de Pont fort satisfait de cette response un peu aigre, parce qu’elle luy fournissoit un leger sujet de pleinte ; renvoya vers Ciaxare : & luy manda qu’il ne vouloit point d’alliance avec un Prince, qui traittoit si mal ses propres Subjets : & qu’ainsi, il luy declaroit qu’il estoit tousjours son ennemy. Qu’au reste Ciaxare sçavoit bien qu’il avoit un moyen infailible de faire la paix quand il luy plairoit, & de luy faire tomber les armes des mains ; c’est pourquoy il le supplioit de ne se pleindre pas de son procedé. Vous entendez bien Seigneur, que ce moyen dont le Roy de Pont vouloit parler, estoit le mariage de la Princesse Madane & de luy : Mais Ciaxare reçeut ce discours fort aigrement : & respondit avec autant de fierté, que l’autre avoit d’injustice. Revola donc les choses plus broüillées qu’auparavant : Ciaxare de qui l’Armée estoit exrémement affoiblie, se retira vers Anise, où aussi bien quelque legere émotion le rapelloit ; apres avoit fait mettre le feu dans Cerasie : tant pour empescher le Roy de Pont de s’en emparer, que pour n’estre pas obligé d’y laisser garnison, & pour en faire aussi un Monument redoutable de sa vangeance. Mais Artamene qui creut que cette retraite pouvoit