qu’Artamene joüisse de ce qu’il a ganné, & de ce qu’il m’a empesche de perdre. Aribée n’osa pas s’opposer directement à ce bien-fait de Ciaxare, car les services d’Artamene estoient trop considerables pour cela. Il avoit fait des merveilles à la Bataille ; il avoit sauvé la vie du Roy ; il avoit remporté plusieurs advantages sur ses ennemis ; il avoit vaincu par un prodige, dans le combat des deux cens hommes, qui devoient terminer la guerre ; & il venoit d’achever de conclurre la Paix, par une Victoire particuliere. Mais encore qu’Aribée ne s’opposast pas absolument à cette reconnoissance ; comme la nouvelle faveur de mon Maistre faisoit quelque ombre à la sienne ; & que de plus il estoit fasché, de le voir devancer Philidaspe ; il dit toutefois tout bas au Roy, comme nous l’avons sçeu depuis, qu’il y avoit quelque danger, de confier deux Places frontieres à un Inconnu : & qu’il vaudroit mieux luy donner de plus grandes recompenses, pourveu que ce fust au milieu de L’estat : Mais quoy qu’il peust dire, & quoy qu’il peust faire, il ne pût rien changer au dessein du Roy. Ce Prince voulut aussi, que suivant ce qu’avoient prononcé les Juges, il demeurast un Monument eternel, de la Victoire d’Artamene, au mesme lieu où il avoit eslevé son Trophée : & le propre jour de son Triomphe, il commanda que l’on fist venir des Sculpteurs & des Architectes, pour placer ce Trouphée, dont Artamene avoit amassé les armes de sa propre main ; sur un magnifique piedestal de Marbre, où toutes ses grandes actions seroient representées en bas relief ; avec une inscription, tres glorieuse pour luy : ce que fut executé quelque temps apres, malgré la continuation de la guerre.
Car Seigneur, vous sçaurez que le Roy de pont suivant sa