puis que tous ceux qui m’eſcoutent sçavent, que l’on m’a trouvé les armes à la main ; & qu’il n’a pas tenu à moy, que je n’aye deffendu mon droit contre luy. Or Seigneurs, pour vous faire voir, que bien qu’Artane ait parû invulnerable dans un Combat, où tous ceux qui l’ont fait ont perdu la vie, je ne crains ny ſa valeur ny ſon adreſſe : je vous demande pour grace, de me permettre de le combattre en Champ clos ; & en preſence des Rois qui m’eſcoutent. Car ſi l’on m’accorde ce que je demande ; ce qu’il n’a pas demandé ; & ce que l’on ne peut equitablement me refuſer ; je ſuis aſſeuré qu’il ne diſparoistra plus à mes yeux, & que je vous en rendray bon compte. Je sçay bien que c’eſt en quelque façon faire tort à l’equité de ma cauſe ; & à l’illuſtre Roy de qui j’ay l’honneur de ſoutenir les intereſts, que de remettre la choſe en doute : Mais apres tout, puis qu’elle doit eſtre jugée par vous, je ne penſe pas que vous en puiſiez, eſtre auſſi bien inſtruits, par les paroles d’Artane, que par ſes actions, & par les miennes. Joint qu’à dire les choſes comme elles ſont, j’aurois quelque peine à me reſoudre de conſerver par mon eloquence, ce que ſans vanité j’ay acquis par ma valeur : & l’eſclat de cette Victoire eſt trop grand, pour qu’il n’en couſte pas une goutte de ſang au vaillant Artane. Il faut Seigneurs, il faut qu’à la veuë de tous ceux qui m’eſcoutent, je luy faſſe advouër la verité de la choſe, où qu’il m’arrache la vie : puis que deux cens hommes ne l’ont peû bleſſer, il n’en doit pas craindre un tout ſeul : & un encore dont les forces ſont diminuées de beaucoup, par ces grandes bleſſures
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