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HARANGUE
D’ARTAMENE.


La Victoire eſt un ſi grand bien, & la laſcheté un ſi grand mal, que je ne m’eſtonne pas qu’il ſe trouve un homme, qui veüille remporter les honneurs de la premiere ſans l’avoir gagnée ; & des-advoüer l’autre, quoy qu’effectivement elle ſoit en luy. Le deſir de la gloire naiſt avec nous : & la crainte de l’infamie n’abandonne pas meſme les plus laſches & les plus criminels. Je ne ſuis donc point eſtonné de voir qu’Artane veüille triompher ſans avoir combatu : mais je ſuis fort ſurpris de voir qu’ayant plus d’eſprit que de cœur, il n’ait pas rendu ſon me ſonge plus vray-ſemblable par ſon diſcours : qu’il n’ait un peu plus particulariſé la grandes choſes qu’il doit avoir faites, pour pouvoir ſortir d’un pareil combat ſans bleſſure. Il devoit du moins nous dire, quel eſt le Dieu qui l’a conſervé : car pour moy, je sçay bien que la valeur d’un homme ne pourroit pas faire voir une choſe ſi prodigieuſe. Il devoit en ſuitte nous apprendre, par quelle autre Divinité, il s’eſt rendu inviſible à mes yeux : lors qu’apres eſtre demeuré ſeul contre trois, je n’ay veû perſonne à l’entour de moy que ceux que je dis : eux que