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Enfin, Seigneurs, les bleſſures ſont auſſi ſouvent des marques de la foibleſſe de ceux qui les reçoivent, que de leur grand cœur : & ſi pour ſe vanter d’eſtre victorieux, il faloit eſtre neceſſairement le plus bleſſé ; les foibles, les mal-adroits, & malheureux, auroient bien de l’avantage ſur les forts, ſur les adroits, & ſur les heureux. Dans un combat particulier une petite égratigneure, eſt comptée pour un deſavantage : & l’on veut en celuy-cy, que de grandes bleſſures ſoient des preuves ſuffisantes de la victoire de celuy qui les a reçeuës. Je sçay bien que c’eſt vue marque indubitable, qu’il s’eſt trouvé dans le peril : Mais ç’en eſt une auſſi certaine, que ſa valeur ne le luy a pas fait eſviter. Que l’on ne me die donc plus, que ſes playes parlent pour luy, puis qu’au contraire, ſi l’on entend bien leur langage, elles ne parlent que de ſa deffaite & de mon Triomphe. Car pour ce Trophée quil a eſlevé pendant mon abſence, il ne luy eſtoit pas difficile de le faire puis qu’il eſtoit ſeul : & c’eſt un mauvais artifice, que la honte d’avoir eſté vaincu, & le deſir de la vie luy ont inſpiré. Mais apres tout, Seigneurs, ſupposons que je n’aye pas combatu ; que j’aye fui ; & que je me ſois caché, dés le commencement du combat ; où eſt ce grand advantage qu’il en pretend ? Il eſt vray que j’en meriterois punition, mais il n’eſt pas vray qu’il en meritaſt beaucoup de loüange : puis qu’enfin, il y auroit eu inegalité dans le combat : y ayant deux cens hommes d’un coſté, & un homme moins de l’autre. Ainſi veû l’eſtat où l’on l’a trouvé, il eſt aiſé de connaiſtre, qu’un