que le veritable Vainqueur : car il se croyoit prest de remporter une grande gloire, qu’il avoit euë à fort bon marché. Il avoit veû mourir son Rival ; il croyoit que cette Victoire luy feroit obtenir sa Maistresse, qui estoit Sœur du Roy de Pont ; & rien enfin ne pouvoit troubler sa felicité, que le remors de sa malice, & de sa lascheté sans exemple. Je sçay bien, Seigneur, que je ne vous ay pas raconté cette grande action, avec assez de particularitez : Mais comme nous ne l’avons sçeuë que par Artane, lors qu’il fut vaincu, & depuis encore prisonnier de guerre parmy nous ; & par mon Maistre, de qui la modestie ne luy permet guere d’exagérer les choses qui luy sont avantageuses ; je n’en ay pas pû dire davantage. Cependant Artamene ayant esté quelque temps en foiblesse ; il arriva que le sang s’estant arresté par l’évanoüissement, luy redonna de la force. Si bien qu’estant revenu à soy, il se releva sur un genoüil, son espée à la main, comme pour voir s’il n’y avoit plus personne en estat de luy disputer la Victoire. Mais regardant de tous les costez, il ne vit plus à l’entour de luy, que des Javelots rompus ; des tronçons d’Espées ; des Boucliers sanglants ; & des hommes, qui tous morts qu’ils estoient, avoient encore de la fureur sur le visage. Il voyoit d’un costé un Capadocien ; de l’autre un de ses Ennemis ; & par tout de l’horreur & du sang en abondance. Il effaya diverses fois de se lever pour marcher, mais il luy fut impossible : principalement à cause de sa derniere blessure, qui faisoit qu’il ne pouvoit absolument se soustenir. Cependant il sçavoit que c’estoit aux Vainqueurs à aller porter la nouvelle de la Victoire, puis que leur combat n’avoit point eu de tesmoins : & comme le fort des
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