m’estant resolu en partant de mon Païs, de voyager inconnu, pour des raisons qui sans doute ne donneroient pas grande satisfaction à vostre Majesté quand elle les sçauroit ; c’est pourquoy je la suplie tres humblement, de ne me commander pas, de luy en dire davantage : & de se contenter de sçavoir, lors qu’elle aura quelque chose à m’ordonner, que je m’appelle Artamene. Il est juste (luy respondit Ciaxare en l’embrassant) de n’exiger de vous, que ce que vous nous voulez accorder : & je vous dois bien assez, pour ne vous contraindre pas en une chose, où vous seul avez interest : & où je n’en ay sans doute point d’autre, que celuy de vous obliger si je le pouvois. Voila Seigneur, tout le déguisement dont se servit Artamene : qui fut de ne nommer rien ; & de donner une idée de son Païs, qui convient aux Grecs & aux Persans, pour laisser la chose en doute : cette Ame Grande & Noble ayant une Vertu scrupuleuse & delicate, qui ne peut se resoudre à dire un mensonge, quelque innocent qu’il puisse estre. Apres cela, Ciaxare pria mon Maistre, avec toute la civilité imaginable ; de vouloir prendre la place d’un Chef, qui estoit mort à la Bataille, & qui commandoit mille Chevaux. D’abord Artamene s’en excusa : mais enfin craignant de déplaire à Ciaxare, il accepta cét employ. Il remercia donc le Roy de fort bonne grace : & l’assura qu’il n’acceptoit cette Charge, qu’afin de le pouvoir servir plus utilement. Et comme il y en avoit encore une autre vacante, par la mort de celuy qui la possedoit ; Ciaxare la donna à Philidaspe, qu’il connoissoit un peu de plus long temps que mon Maistre : parce qu’Aribée qui estoit alors, en faveur (comme je l’ay ce me semble desja dit) le luy avoit presenté, auparavant
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