de cette sorte, l’attention que je luy avois veuë au Temple, à regarder la Princesse, & tout ce qu’il avoit fait depuis ; furent cause que je me persuaday, qu’il en estoit amoureux. Si bien que me souvenant de ce qu’il m’avoit dit, auparavant que d’entrer dans ce Temple, où il avoit veû Mandane ; n’est-ce point, luy dit-je, Seigneur, que Venus a voulu se vanger de vous, & que Mars n’a pû vous deffendre contre Venus ? Je luy dis cela en riant ; ne voulant pas presupposer que cette passion peust estre autre chose, qu’une simple galanterie : & une legere disposition, à pouvoir aimer cette Princesse. Mais helas ! Artamene qui demandoit de moy des sentimens plus tendres & plus pitoyables ; en m’advoüant sa deffaite, me respondit d’une maniere, qui me fit bien voir qu’il ne faloit pas de mediocres remedes pour le guerir, d’un mal aussi grand que le sien. Je n’oubliay donc rien pour cela : & apres qu’il m’eut advoüé ce mal, je luy representay tout ce que je pus, pour le détourner de cette pensée. Je luy fis voir le peu de raison qu’il y avoit, d’aimer si esperdûment, ce qu’il avoit si peu veû : & le peu d’apparence qu’il y avoit aussi, qu’il peust esperer d’en estre jamais aimé. Car luy disois-je, Seigneur, si vous paroissez comme Cyrus, bien loing de pouvoir plaire à la Princesse, vous luy donnerez de l’aversion : & Astiage tout au moins, vous chargera de chaines & de fers. Si vous n’estes aussi qu’Artamene, que pouvez vous esperer de Mandane ? & que peut pretendre un simple Chevalier, de la fille d’un grand Roy ? & d’une Princesse qui est regardée, comme devant succeder à la Couronne de Medie ; à celle de Capadoce & de Galatie ; & mesme à celle de Perse ? Car comme l’on vous croit mort, Astiage &
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