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Il nous assura qu’il avoit fait tout ce qu’il avoit pû pour cela ; mais qu’il n’avoit jamais esté en son pouvoir d’en destourner ny ses regards, ny ses pensée. Cependant le Sacrifice commença : & le premier des Mages s’estant prosterné au pied de l’Autel, prononça ces paroles à haute voix ; le Roy, la Princesse, & tout le monde estant à genoux, avec un profond silence.

Apres les douceurs de la paix, acceptez, ô puissant Dieu de la guerre, ces pures & innocentes Victimes, que nous vous allons offrir : au lieu de celles que le jeune Cyrus, la terreur de toute l’Asie, devoit vous immoler : si la bonté du Ciel n’eust affermy tous les Trosnes des Rois de la Terre par sa mort. Recevez au nom du Roy ; de la Princesse sa fille ; de toute la Capadoce ; & de toute la Medie, les remerciemens de cette bienheureuse mort. De cette mort, dis-je, qui a remis la tranquilité dans toute l’Asie : & sans laquelle toute la Terre, auroit esté en trouble & en division.

Je vous laisse à juger, Seigneur, quelle surprise fut la mienne, & quelle fut celle de mon Maistre : car encore qu’il n’eust rien veû que Mandane, & qu’il ne songeast qu’a elle ; lors qu’il s’entendit nommer, il en fut estranggement estonné : & je remarquay sur son visage, une partie de ce qu’il eust pû voir sur le mien s’il y eust pris garde, aussi bien que je l’observois. Je changeay alors de place ; & m’avançant vers luy ; Seigneur, luy dis-je tout bas, nous ne ferons pas mal de sortir d’icy : & nous ferons encore mieux, me respondit il en rougissant,