par nous, & par les siens tout à la fois. Bien est il vray qu’il n’estoit pas luy mesme trop en estat d’y prendre garde, & d’y donner ordre : car mon Maistre l’ayant connu pour le Chef des Ennemis, l’attaqua avec tant de vigueur, & tant de resolution ; qu’il ne s’est jamais veû une pareille chose : & tous nos Mariniers, qui estoient les seuls spectateurs de ce combat, nous ont asseuré, que plus de vingt fois Artamene rentra dans son Vaisseau ; & que plus de vingt fois aussi, le fameux Pyrate revint dans le sien ; sans que ny l’un ny l’autre parust avoir nul avantage. Tous à leur exemple, ou lançoient un javelot, ou tiroient des fléches, ou se servoient d’une Espée : pour Artamene, l’on peut dire qu’il employa toutes sortes d’armes en cette journée : car tant que nous fusmes un peu esloignez, il tira de l’Arc ; estant un peu plus prés, il lança plusieurs javelots, avec une force incroyable ; & quand nous fusmes accorchez, il ne se servit plus que de son Espée. Mais a dire la verité, il s’en servit d’une maniere si prodigieuse, que je n’oserois presque croire ce que je luy vis faire en cette occasion. Cependant les trois Vaisseaux du Pyrate, s’estant apreçeus de leur erreur, ne tirerent plus contre leur Maistre ; & nous vismes en un moment sur nous, toutes les forces de nos Ennemis. Ce fut alors qu’Artamene voyant qu’il faloit perir ; & nous voyant tousjours aupres de luy Feraulas & moy ; Feraulas, dis-je, de la valeur duquel je n’oserois parler en sa presence ; nous dit en se tournant vers nous, toujours plus fier ; nous ne vaincrons pas mes Amis : mais si vous me secondez, la victoire coustera bien cher à ces Pyrates. Apres cela, que ne fit il point ! & que pourrois-je dire qui ne fust au dessous de la verité ?
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