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les Femmes qu’elle avoit aupres d’elle ; on luy en donna d’autres ; & le temps de son accouchement estant arrivé, vous sçavez Seigneur, jusques où cette crainte ambitieuse, qui possedoit Astiage le porta : & quelle inhumanité la frayeur qu’il avoit de perdre l’Empire, luy inspira en cette rencontre. Cét accident, Seigneur, a esté si extraordinaire, que toute la Terre l’a sçeu : ainsi je vous feray seulement souvenir en peu de paroles, comme Mandane estant accouchée d’un Fils, l’ambitieux Astiage le fit prendre par Harpage son confident, avec commandement de l’exposer sur quelque Montagne deserte, ou dans quelque affreuse forest : Ce Prince tout inhumain qu’il estoit, n’ayant pû se resoudre à la faire tuer : ou plus tost les Dieux l’ayant aveuglé, pour l’empescher de commettre un crime. Mais Harpage estant encore moins cruel que luy, ne pût se resoudre d’executer luy mesme cét ordre, quoy qu’il l’eust promis : & n’estant pas aussi assez hardy pour sauver cét Enfant ; il le remit entre les mains d’un Berger appellé Mitradate, qui demeuroit au pied des Montagnes, & qu’il envoya querir pour cela, à une Maison de la compagne qui estoit à luy, afin qu’il fist ce qu’il ne pouvoit se resoudre de faire. Vostre Majesté aura sçeu sans doute que ce Berger emportant cét Enfant chez luy, qui estoit le plus beau que l’on eust jamais veû ; trouva que pendant le temps qu’il avoit esté à la Ville, sa Femme estoit accouchée d’un Enfant mort : & que luy ayant monstrré celuy qu’il tenoit, qui commença de sousrire, dés qu’elle le prit entre ses bras ; elle ne donna point de repos à son Mary, qu’il ne luy eust advoüé, l’ordre qu’il avoit eu de l’exposer. Cette Femme genereuse & pitoyable, comme vous sçavez, n’y voulut jamais consentir : mais