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Il y eut meſme des temps où ſelon les ſentimens qui luy paſſoient dans l’eſprit ſur quelque action qu’il voyoit faire à Abradate, qui luy perſuadoit qu’il parloit de ſon amour à Panthée ; il ſerroit ſi fort la main à doraliſe, de dépit & de rage de ne le pouvoir empeſcher, qu’il s’en faloit peu qu’il ne la bleſſast. Comme elle a beaucoup d’eſprit, & qu’elle avoit toute ſa vie veû Perinthe le plus ſage homme du monde, & le plus regulierement civil, elle fut fort ſurprise de ce procedé : de ſorte que le regardant pour chercher à s’eſclairir dans ſes yeux, il connut que ſa paſſion eſtoit plus forte que luy, & qu’il en avoit donné quelques marques ; ſi bien que ne sçachant que faire, pour deſguiser ſes ſentimens, il prit le premier pretexte que ſon eſprit luy fournit. Ne ſuis-je pas bien malheureux, luy dit il, qu’Abradate ſoit venu troubler le plaiſir que j’avois à cette promenade ? car comme je n’ay pû le voir, ſans me ſouvenir que nous partons dans deux jours ; je me ſuis ſouvenu en meſme temps, d’un ordre que le Prince de Claſomene m’a donné, pour une affaire importante, & qui me force à vous quitter incivilement malgré moy. Il me ſemble, luy dit Doraliſe, qu’au lieu de vous pleindre d’Abradate, vous devriez eſtre bien aiſe qu’il ſoit venu, pour vous faire ſouvenir d’une choſe que vous auriez oubliée ſans luy : & il me ſemble (luy dit il en la quittant au premier bout d’Allée qu’il rencontra) que j’ay touſjours ſujet de l’accuſer : puis qu’il eſt cauſe que je vous laiſſe pour une choſe peu agreable. Quoy que ce que Perinthe dit à Doraliſe, ne la ſatis fiſt pas trop, neantmoins il y avoit ſi peu de raiſon de croire que les mouvemens qu’elle avoit veûs dans ſon eſprit fuſſent cauſez par une paſſion que la Princeſſe luy euſt