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Mexaris donnoit le Bal, on eſtoit aſſuré que la Salle eſtoit mal eſclairée ; que la Colation eſtoit mediocre ; & que l’Harmonie meſme n’eſtoit pas trop bonne : car comme ceux qui la faiſoient, n’eſtoient pas excitez par la liberalité de celuy qui les devoit payer, à peine pouvoit on dancer en cadence chez Mexaris. Au contraire, quand Abradate donnoit ce divertiſſement là à toute la Cour, ou pour mieux dire à la Princeſſe Panthée ; ces meſmes gens qui avoient fait ſi mal dancer pour Mexaris, joüoient avec une juſtesse admirable pour Abradate : & il y avoit je ne sçay quel ſon eſclattant & harmonieux qui inſpiroit la joye dans le cœur quand Abradate donnoit le bal, que l’on n’entendoit point du tout quand c’eſtoit Mexaris. Les Dames meſmes paroiſſoient plus belles : tant parce qu’elles eſtoient plus gayes, que parce que la Salle eſtoit touſjours admirablement eſclairée. Enfin toutes choſes y eſtoient aſſurément incomparablement mieux, non ſeulement que chez Mexaris, mais meſme que par tout ailleurs : eſtant certain qu’Abradate a un air ſi propre à faire les honneurs d’une Aſſemblée, que ſa preſence ſeulement inſpire de la joye & donne du plaiſir. Il vous eſt aiſé de juger, que la Princeſſe ayant autant d’eſprit quelle en avoit, ne pût pas refuſer ſon eſtime à Abradate : & qu’en tant de lieux où il trouva la liberté de l’entretenir un moment, quoy qu’elle l’eſvitast, il fut bien aſſez adroit, pour trouver les biais de luy donner des marques de ſon amour, ſans perdre le reſpect qu’il luy devoit. Car outre la belle Chaſſe dont je vous ay parlé ; la Muſique ; & le Bal, qu’il donna plus d’une fois à ſa conſideration : il y eut encore une courſe de Chariots, qui fut la plus magnifique choſe du monde, & la plus divertiſſante à voir.