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c’eſt pourquoy il ne vouloit pas en parler ouvertement, juſques à ce qu’il euſt mis la choſe en termes de pouvoir l’executer, quand meſme Creſus ne le voudroit pas. Mais pour le pouvoir faire, il faloit avoir gagné le cœur de Panthée, & s’eſtre abſolument aquis le Prince ſon Pere : afin d’avoir une retraite à Claſomene, quand il en auroit beſoin : c’eſt pourquoy il n’oublia rien pour cela. Abradate de ſon coſté, qui sçavoit que Creſus n’approuveroit pas que Mexaris eſpousast Panthée, concevoit quelque eſperance : quoy que d’ailleurs il craignit pourtant beaucoup, que le Prince de Claſomene ne luy fuſt contraire : touteſfois il aprehendoit encore bien davantage, que Panthée ne luy fuſt pas favorable. Il connoiſſoit bien par cent choſes, qu’elle l’eſtimoit plus que Mexaris : mais il voyoit d’ailleurs une ſi grande retenuë en ſon humeur, & tant de ſeverité en ſa façon d’agir aveque luy, depuis le jour qu’il luy avoit parlé de ſa paſſion ; qu’il ſouffroit beaucoup, quoy qu’il ſouffrist moins que Perinthe : qui de quelque coſté qu’il regardaſt la choſe, ſe voyoit touſjours infortuné. Auſſi cette triſte penſée s’empara t’elle ſi fort de ſon eſprit, qu’il devint tres melancolique : & à tel point, que par cent choſes, qui ſeroient trop longues à dire, Doraliſe connut qu’il eſtoit amoureux. Et comme elle eſtoit ravie de pouvoir encore ſoustenir, qu’elle n’avoir jamais connu d’honneſte homme qui n’euſt rien aimé ; elle le dit non ſeulement à la Princeſſe, mais à tout le monde : & en effet la choſe alla de telle ſorte, qu’il n’y eut perſonne qui ne creuſt connoiſtre par ſoy meſme, que Perinthe avoit de l’amour. La difficulté eſtoit de sçavoir pour