Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/73

Cette page n’a pas encore été corrigée

de leurs inclinations à ces diverſes harmonies. Ceux qui eſtoient melancoliques, ou qui avoient l’ame paſſionnée, donnoient le prix aux Lydiens : & ceux de qui le temperanment eſtoit plus guay, le donnoient aux Phrigiens : les uns & les autres tombant touteſfois d’accord, qu’ils meritoient tous beaucoup de loüange. Abradate ſe ſervant donc de cette conteſtation, pour faire reûſſir ſon deſſein, fit ſi bien que le lendemain que nous avions eſté chez Mexaris, la converſation ne fut d’autre choſe chez la Princeſſe de Claſomene : qui ſans ſe declarer en faveur ny des uns ny des autres, dit ſeulement qu’elle croyoit que pour en parler ſi affirmativement, il faloit les avoir entendus en un meſme jour, & avec un deſſein premedité de les obſerver : & qu’il faloit meſme que ceux qui ſe meſloient de juger d’une ſemblable choſe, euſſent quelque connoiſſance de la Muſique, & fuſſent incapables de preocupation. Il faudroit encore, dit Abradate, que pour mettre les Muſiciens également en bonne humeur on leur propoſast un Prix : afin que l’émulation qu’ils auroient, leur fiſt faire leurs derniers efforts. En ſuitte de cela, on imagina en quel lieu il les faudroit entendre : & on nomma pour cét effet une Maiſon du Roy, qui n’eſt qu’à trente ſtades de la ville. Enfin quoy que toute la Compagnie creuſt ne faire qu’une propoſition qui ne ſeroit point ſuivie, chacun ſe meſla de regler la choſe, ſeulement pour faite durer la converſation. Cependant Abradate qui n’avoit pas conduit ſi adroitement ſon deſſein pour le laiſſer imparfait, dit qu’il ne manquoit plus rien à trouver, que la perſonne qui devoit juger : il me ſemble (dit Mexaris qui ſe rencontra alors chez la Princeſſe) que cela n’eſt pas le plus difficile : & qu’il l’eſt encore plus de trouver celuy qui devroit