Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/72

Cette page n’a pas encore été corrigée

n’euſſent couſté trente colations comme celle là. Je vous laiſſe à penſer ſi Abradate, Perinthe, & Doraliſe, s’en divertirent : pour moy, me diſoit cette malicieuſe Fille, il me ſemble que Mexaris ne devoit quitter ſa Bague qu’apres la Colation, afin de cacher la honte qu’il doit avoir de la voir ſi mauvaiſe : & il me ſemble auſſi, adjouſtoit Perinthe, que pour faire encore mieux, il devoit rendre cette Colation inviſible auſſi bien que luy. La Princeſſe qui devinoit aiſément ce que nous diſions ; quand elle tournoit la teſte de noſtre coſté, en eſtoit en quelque inquietude, parce qu’elle craignoit que Mexaris ne s’en aperçeuſt : de ſorte que pour l’en empeſcher, elle fit un aſſez mauvais repas par complaiſance : luy diſant hardiment que cela eſtoit admirablement bien. On voyoit pourtant aiſément qu’il ne le croyoit pas trop : mais auſſi ne penſoit il pas que cela fuſt fort mal : ainſi payant de hardieſſe qu’il ne luy couſtoit rien, le reſte du jour ſe paſſa de cette façon : Mexaris ne doutant point du tout, qu’apres la veuë de tant de belles choſes, il ne deuſt trouver Panthée tres favorable, la premiere fois qu’il luy parleroit de ſa paſſion.

Cependant Abradate qui ne pouvoit ſouffrir ſans luy porter envie, que ſon Rival euſt eu l’avantage de donner un jour de divertiſſement à Panthée, imagina une voye de pouvoir obtenir le meſme bonheur. En effet, il ſe trouva, pour favoriſer ſon deſſein, qu’il y avoit alors à Sardis, grand nombre de Muſiciens de Phrigie : & comme vous sçavez que la Muſique Lydienne & la Phrigienne, paſſent pour les plus admirables de toute l’Aſie, & meſme de toute la Terre : ceux qui avoient entendu les uns etles autres avoient des ſentimens differens, ſelon la conformité qu’il y avoit