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le fer avec tant de violence, qu’il ſemble prendre vie pour ſe remüer & pour le ſuivre, il ne faille tomber d’accord qu’on ne doit plus s’eſtonner de rien : joint que la veuë eſtant celuy de tous les ſens le plus aiſé à tromper, il n’eſt pas aſſurément impoſſible, qu’il ne puiſſe ſortir de cette Pierre, je ne sçay quel eſclat qui eſbloüit, ou qui forme une eſpece de nuage, qui dérrobe la Perſonne qui la porte, aux yeux de ceux qui ſont aupres d’elle. De plus, adjouſta Cyrus, cette autre Pierre nommée Amianthos, que tout le monde connoiſt, & ſur laquelle le feu ne fait aucune impreſſion, n’eſt guere moins merveilleuſe que l’Heliotrope, ſi on la conſidere bien : joint auſſi que puis que le Baſilic tuë par ſes regards, l’eſclat d’une Pierre peut bien oſter la veuë, ou du moins en ſuspendre l’uſage. Araminte eſtant demeurée d’accord de ce que Cyrus diſoit, Pherenice reprit ainſi ſon diſcours. Lors que l’on eut donc bien admiré ce miracle de la Nature, de qui la cauſe eſt ſi cachée : la Princeſſe Panthée voulut prendre cette Bague, quelque reſistance qu’y fiſt Mexaris : luy diſant qu’il ne pouvoit pas ſouffrir qu’elle ſe rendiſt inviſible, à l’homme du monde qui prenoit le plus de plaiſir à la voir : mais il n’y eut pas moyen de l’en empeſcher, & il falut la contenter. Apres que cét Anneau eut fait ſon effet entre ſes mains, Doraliſe le prit ; & apres qu’elle l’eut ; elles s’en ſervit pour aller dire à la Princeſſe qu’elle voudroit que Mexaris le portaſt toujours. Pour moy, luy reſpondit Panthée tout bas, je ne le voudrois pas pour l’amour de vous : car il pourroit ſouvent entendre tout le mai que vous dittes de luy. Cependant Mexaris qui imagina un inſtant de plaiſir à oſter la veuë de ſon Rival à Panthée,