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des Statuës, ou des Tableaux que l’on y voyoit : mais c’eſtoit une abondance prodigieuſe de Tables, de Cabinets, & de Vaſes d’or & d’argent, garnis de Pierreries, d’un prix ineſtimable. Il y avoit auſſi de grandes Figures d’or ; des Vaſes d’Agathe & d’Albaſtre Orientale, enrichis de Diamants : enfin je penſe pouvoir dire que tous les Chef-dœuvres du Soleil, & de la Nature, ſe voyoient en ce lieu là : tant j’y vis de Perles ; d’Eſmeraudes ; de Rubis ; & de toutes ſortes de Pierreries. Apres avoir donc veû toutes ces choſes, Mexaris en fit encore voir une plus merveilleuſe à la Princeſſe Panthée : & qu’il luy monſtra principalement à mon advis, parce qu’il vouloit que cela ſervist à luy donner ſujet de luy dire quelque choſe de ſa paſſion. Je ne doute point, Madame, que vous n’ayez oüy parler de cette fameuſe Bague de Gyges, qui comme vous le sçavez, uſurpa la Couronne ſur les Heraclides : & qui fut le premier Roy de Lydie, de la Race de Creſus. Vous n’ignorez pas, dis-je, que ce fut par le moyen de cette Bague qu’il monta au Throſne : puis que ce fut par ſa vertu miraculeuſe, qu’il ſe rendit inviſible au Roy Candaule, à qui il oſta la vie. Depuis cela, Madame, vous pouvez juger qu’elle a eſté fort chere à ceux dans la Maiſon deſquels elle avoit mis une Couronne : & en effet Alliate aimant mieux Mexaris que Creſus, la fit mettre dans la part qu’il luy donnoit à ſes Threſors. De ſorte qu’apres avoir veû toutes les richeſſes dont je vous ay parlé, ce Prince faiſant aprocher Panthée d’une Table d’or marquetée de Lapis, ſur laquelle il y avoit un petit Coffre d’Agathe, il en tira cette admirable Bague : & prenant la parole, Madame, luy dit il, apres vous avoir offert tout ce que vous venez de voir, en vous offrant le cœur