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fut que ce Roy priſonnier fut celuy qui fit la Capitulation de la Ville où on l’avoit mené : car les Habitans ſe voyans ſans eſpoir d’eſte ſecourus, & ſans pouvoir de ſe deffendre, furent ſe jetter à ſes pieds, pour luy demander la grace de faire que Cyrus les traittaſt bien ; ce qu’il leur promit, & ce qu’il leur tint : Cyrus dégageant genereuſement la parole de ſon Rival, & ne manquant jamais de donner des marques de clemence, & de bonté, quand les occaſions s’en preſentoient. Cette victoire ne fut pas de celles qui laiſſent quelque conſolation aux vaincus, car les Lydiens furent battus par tout, & deffaits par tout : ils perdirent toutes leurs Machines ; toutes leurs Enſeignes ; tous leurs Chariots ; & tout leur bagage. Il y eut un nombre ſi grand de morts, & de priſonniers, que l’on ne l’a jamais pû sçavoir : Arinaſpe ce vaillant Capitaine Ionien y fut pris, & ſi bleſſé qu’il en mourut le lendemain : & tout cela ſans que Cyrus euſt perdu qu’un tres petit nombre de gens. Il eſt vray que la more d’Abradate le toucha ſenſiblement, & que tout victorieux qu’il eſtoit, elle luy donna de la douleur meſme ſur le champ de Bataille, où il campa cette nuit là : apres avoir eu la ſatiſfaction d’avoir non ſeulement veû tous les ſiens faire tout ce qu’ils avoient deù, n’y ayant pas eu un de ſes Amis qui ne ſe fuſt ſignalé : mais encore d’avoir veû ſes Rivaux ſervir à ſa gloire. De ſorte que ne voyant plus rien à faire ce luy ſembloit pour delivrer Mandane, que d’aller forcer les Murs de Sardis ; il ſentit une joye qui le conſola malgré luy de la perte d’Abradate, dont il envoya chercher le corps, afin de luy faire rendre tous les honneurs qu’il meritoit. Et comme ſi les Dieux euſſent voulu l’accabler de bonheur, apres l’avoir