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cœur de ce Prince, qu’elle ne le diminua : ſi bien que plus Panthée agiſſoit avec retenuë, plus Abradate teſmoignoit d’empreſſement à voir & à la ſuivre en tous lieux. Ses foins ne s’attachoient pas meſme ſeulement à ſa Perſonne, mais à celle du Prince ſon Pere, mais encore à ſe faire aimer de Perinthe, de Doraliſe, de moy, & de tous les Domeſtiques juſques aux moindres. Et à dire vray, il y reüſſit admirablement : car à la reſerve de Perinthe, qui ne le pouvoit aimer, parce qu’il aimoit la Princeſſe, tout le monde eſtoit à luy. Il gagnoit les uns par des preſens ; les autres par des careſſes ; & tous enſemble par un certain air de viſage ouvert & civil, qui faiſoit qu’on ne luy pouvoit reſister. De plus, comme tous les ſiens l’adoroient, ils faiſoient continuellement des Eloges de leur Maiſtre, aux Officiers & aux Femmes de la Princeſſe : & au contraire, tous ceux de la Maiſon de Mexaris, faiſoient des pleintes continuelles de ſon avarice, & du peu d’avantage qu’il y avoit à le ſervir : ſi bien que de par tout on n’entendoit chez Panthée que des loüanges d’Abradate, & des Satires de ſon Rival. Cependant comme Mexaris croyoit que l’ame des autres eſtoit comme la ſienne, il creût que pour toucher le cœur de cette Princeſſe, & luy faire recevoir favorablement les premieres proteſtations de ſon amour, il eſtoit à propos de luy faire voir auparavant la magnificence de ſes Threſors : qui comme je l’ay deſja dit eſtoient preſque ; auſſi riches que ceux de Creſus. Il chercha donc à trouver invention de la faire aller chez luy, ſur quelque pretexte qui ne luy fuſt pas de deſpence : & apres y avoir bien ſongé, il imagina de luy donner la Muſique du Roy, qui ne luy couſteroit rien dans une grande Salle voûtée, extrémement