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donc à décamper il fie deſſein de s’aller poſter aſſez prés du Pactole, où ſon Armée trouveroit abondance de tout ce qui luy manquoit au Poſte qu’elle abandonnoit, & d’où il pourroit obſerver la contenance des Ennemis, & eſtre en eſtat de pouvoir facilement les joindre, & les forcer à combatre, de quelque coſté qu’ils marchaſſent. La difficulté eſtoit de reſoudre s’il décamperoit de jour, ou de nuit ; la prudence vouloit que ce fuſt de nuit, mais le grand cœur de Cyrus n’y pouvoit conſentir, & n’y conſentit pas en effet. Il eſt vray qu’une des raiſons qui l’obligerent à ſuivre pluſtoſt en cette occaſion, les mouvemens de ſon courage, que les conſeils de la prudence ordinaire, fut qu’il eſpera que peut eſtre Creſus & le Roy de Pont, voudroient ils du moins faire ſemblant de le ſuivre, & que pofitant de cette occaſion, il tourneroit teſte & les forceroit à combattre. De ſorte qu’encore qu’il connuſt bien qu’il y avoit un danger evident, à faire ce qu’il pretendoit, & que le bon ſucces en eſtoit douteux, il ne laiſſa pas d entreprendre de ſe retirer à la veuë d’une armée beaucoup plus forte que la ſienne, & commandée par des Princes qui sçavoient admirablement la guerre : & qui par conſequent devoient vray-ſemblablement prendre la reſolution de faire en ſorte, que la retraitte de Cyrus ſe changeaſt en fuitte, & que ſa fuitte fuſt ſuivie de ſa deffaite entiere. Cependant le courage Heroïque de Cyrus l’emporta ſur toute autre conſideration : & dés que la pointe du jour luy permit de voir la route qu’il devoit prendre, le Corps de reſerve marcha ; la ſeconde ligne le ſuivit, & preceda la premiere, qui marcha immediatement apres : en ſuitte dequoy, & les Machines, & les Chariots armez de faux, marcherent à la teſte de l’Infanterie.