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ay quitté des Couronnes ; j’ay ſouffert l’exil & de la priſon : & pour dire tout en peu de paroles, j’ay fait tout ce que j’ay pû, & par conſequent tout ce que je devois. Eh pluſt aux Dieux Madame, que vous puſſiez en dire autant aveque verité ! cependant comme je n’ay jamais eu deſſein de vivre que pour vous, & que je ne dois plus prendre de part a la vie, ſi vous ne vivez plus pour moy ; ayez s’il vous plaiſt la generoſité de m’eſcrire que vous voulez, que je mettre : afin que j’aye me meſme la gloire de vous obeïr en mourant.

SPITRIDATE.


Tant que la lecture de cette Lettre dura, la Princeſſe Araminte changea vint fois de couleur : de ſorte que comme Chriſante l’obſervoit ſoigneuſement, il ne doutoit point du tout que ce ne fuſt une Lettre d’importance, ſans en imaginer pourtant la verité. Mais durant qu’il cherchoit à la deviner, la Princeſſe de Pont apella ſa chere Heſionide, pour luy monſtrer cette Lettre : ne pouvant aſſez s’eſtonner de ce qu’elle contenoit : & ne sçachant ſi elle la devoit faire voir à Cyrus, parce que ſa modeſtie en faiſoit quelque ſcrupule. Mais Heſionide ayant conſideré la choſe, elle luy repreſenta, que ce Prince luy ayant envoyé cette Lettre ſans l’ouvrir, meritoit qu’elle ſe confiaſt en luy, & principalement en cette occaſion. De plus, cette Princeſſe sçachant bien qu’il n’y avoit aucune verité à tout ce que luy diſoit Spitridate, & que Cyrus eſtoit auſſi conſtant pour Mandane, qu’elle l’eſtoit pour le Prince de Bithinie ; elle prit en effet la reſolution de la luy faire voir : de peur qu’il ne s’en imaginaſt quelque choſe d’autre nature, & qu’il ne luy fuſt pas permis de renvoyer celuy qui la luy avoit aportée, & qu’elle avoit grande envie d’entretenir, de ſorte que ſans perdre temps, elle eſcrivit ce Billet à Cyrus.


ARAMINTE A CYRUS.