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Madame, combien cette Priſon m’eſt rude & inſuportable : cependant quoy que j’aye entendu parler devant que d’eſtre en priſon, de la defference que Cyrus a pour vous, & de la complaiſance que vous avez pour luy : & que depuis que j’y ſuis, on m’en ait raconté cent particularitez : je ne puis touteſfois me reſoudre à la mort, ſans avoir sçeu par vous meſme que vous avez, changé de ſentimens. Je dois ce me ſemble ce reſpect à tant d’aſſurances de fidelité que vous m’avez fait l’honneur de me donner, de ne vous condamner pas tout à fait ſans vous entendre : ce n’eſt pas que mon cœur ne vous croye infidelle, malgré toute la reſiſtance que j’y aporte. Mais ce qui m’embarraſſe un peu Madame, eſt que sçachant que je reſſemble à Cyrus, je ne sçay comment vous le pouvez regarder, ſans vous ſouvenir du malheureux Spitridate : & je ne sçay encore comment vous pouvez vous en ſouvenir, ſans rapeller dans voſtre memoire la reſpectueuſe paſſion que j’ay euë pour vous, & tout ce qu’elle m’a fait faire. Il eſt vray que la reſſemblance de Cyrus & de moy, n’eſt pas en noſtre fortune comme aux traits du viſage : car il eſt heureux, & je ſuis miſerable ; il eſt aupres de vous, & je ſuis abſent ; il eſt vainqueur de tous ſes Ennemis, & je ſuis captif ; il eſt Maiſtre de la plus grande partie de l’Aſie, & je n’ay pas ſeulement pouvoir ſur moy meſme. Mais apres tout, Madame, ce Prince a plus fait pour ſa propre gloire que pour vous : où au contraire, j’ay renoncé à la mienne, ſeulement pour voſtre ſervice : j’