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homme du monde avec lequel avoit pû croire pouvoir vivre heureuſe. Quelque accomply que fuſt Hermogene, elle m’a dit qu’elle vit alors dans ſon humeur, cent choſes qui choquoient la ſienne : enfin Seigneur, pour n’abuſer pas de voſtre patience, Cleodore paſſa trois jours avec des agitations d’eſprit ſi horribles, qu’elle en penſa perdre la vie, ou la raiſon : mais à la fin s’eſtant déterminée à ce qu’elle vouloit faire, elle donna ordre ſecrettement à l’execution du deſſein qu’elle avoit pris, & l’executa en effet, comme je m’en vay le dire. Vous sçaurez donc, qu’un matin comme j’eſtois preſt à ſortir, je reçeus un Billet de Cleodore : qui me prioit de vouloir mener à l’heure meſme, Hermogene à un Temple de Cerés, qui n’eſt qu’à trente ſtades de la Ville, où elle alloit remercier la Deeſſe d’une grace qu’elle diſoit que les Dieux luy avoient faite pendant ſa maladie. Or Seigneur, il faut que vous sçachiez que ce Temple eſt gardé par cent Vierges, qui obſervent à peu prés les meſmes ceremonies que celles qui ſont aupres d’Ecbatane, quoy qu’elles ne ſoient pas conſacrées à une meſme Deeſſe. J’advoüe touteſfois que d’abord je ne ſoupçonnay rien du veritable deſſein de Cleodore : & je fus trouver Hermogene, à qui je monſtray le Billet que j’avois reçeu. Mais pour luy, il fut plus clair-voyant que moy : car dés qu’il eut veû ce que je luy monſtrois, il craignit eſtrangement que Cleodore n’euſt pris quelque extréme reſolution : de ſorte que ſans differer noſtre départ d’un moment, nous montaſmes à cheval. & fuſmes avec une diligence incroyable à ce Temple. A peine euſmes nous mis pied à terre, que l’on nous conduiſit dans un Apartement deſtiné à recevoir