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que ce n’eſt pas ſans peine que je pars ſans vous avoir teſmoigné le reſſentiment que j’ay du mal que vous m’avez ſait. Cependant puis que j’ay pris la reſolution de ne punir que moy de tous ceux qui cauſent mon malheur, je vous prie pour reconnoiſtre ma moderation, de ſouffrir que je vous face une priere. Je vous demande donc en grace, quand vous ſerez, poſſeſſeur de Cleodore, de n’inſulter point ſur un Amant infortuné, que vous avez rendu miſerable, & de ne la faire jamais ſouvenir de mon inconſtance dont vous avez, eſté le confident. c’eſt la ſeule choſe que vous demandera en toute ſa vie un malheureux, qui n’ayant trouvé nulle compaſſion dans le cœur de ſon Amy, ny nulle bonté dans celuy de ſa Maiſtreſſe, renonce pour touſjours à la ſocieté des hommes.

BELESIS.


Hermogene reçeut cette Lettre avec quelque ſentiment de tendreſſe, mais apres tout il ne fut pas marry du départ de Beleſis ; & l’eſperance d’eſpouſer Cleodore le lendemain, luy donnoit tant de joye, qu’il ne fut pas en eſtat de ſentir bien fortement le malheur de ſon Amy. Mais ſi la Lettre de Beleſis, pour Hermogene, ne fit pas un grand effet dans ſon ame ; celle de Beleſis, pour Cleodore, en, fit un plus conſiderable. Auſſi eſtoit elle ſi touchante, qu’il euſt falu avoir l’ame du monde la plus dure, pour n’en eſtre pas eſmeu de compaſſion. Et certes elle fit une ſi forte impreſſion dans mon eſprit, lors que Cleodore me la monſtra,