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que d’entendre parler Beleſis de cette ſorte. Hermogene comme vous pouvez penſer, l’eſtoit encore plus que moy, & ne sçavoit pas trop bien que luy reſpondre. Car enfin quoy que Cleodore euſt conſenty à ſon Mariage, il connoiſſoit pourtant bien que c’eſtoit plus pour ſe vanger de Beleſis, que pour le rendre heureux : auſſi eſtoit— ce pour cela qu’il aprehendoit eſtrangement, que Cleodore ne vinſt à sçavoir qu’il ſe repentoit, de peur qu’elle ne ſe repentiſt auſſi. C’eſt pourquoy prenant la parole, je sçay bien, luy dit il, que ce que je m’en vay vous dire vous affligera ; mais puis qu’il faut que vous le sçachiez pour voſtre repos. & pour le mien ; il faut que je vous die, que quand je le voudrois, voſtre bonheur n’eſt plus une choſe poſſible, s’il eſt vray qu’il ſoit attaché à la poſſeſſion de Cleodore : eſtant certain qu’elle eſt tellement irritée contre vous, qu’on peut dire qu’elle vous hait, autant qu’elle vous a aimé. C’eſt parce qu’elle me hait, reprit Beleſis, que j’eſpere encore qu’elle m’aimera : car ſi ſon ame eſtoit en termes de n’avoir pour moy que de l’indifference, ou du mépris ; je deſeſperois tout à fait d’obtenir mon pardon : mais puis que cela n’eſt pas, faites je vous prie, que je ne trouve point d’autre obſtacle’ma bonne fortune que Cleodore meſme, au reſte, luy dit il je sçay qu’elle vous a donné un Portrait, qu’elle ne vous pouvoit donner, puis qu’elle me l’avoit donné, c’eſt pourquoy je vous prie de me le rendre. Mais eſt il poſſible, luy dis-je en l’interrompant, que ce que vous dittes ſoit vray, & puis-je croire que cét homme qui diſoit n’aimer que Leoniſe il n’y a que huit jours, n’aime aujourd’huy que Cleodore ? Je ne puis pas, nous dit il, vous bien