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homme qu’il aimoit. Mais comme Tiſias avoit plus de cœur que d’eſprit, il fut aſſez long temps ſans s’aperçevoir qu’il ſe devoit fâcher : neantmoins à la fin Beleſis pouſſa la choſe ſi loin, que Tiſias mit le premier l’eſpée à la main. Il eſt vray que ce fut de ſi peu de momens, que cela ne l’empeſcha pas de recevoir le premier coup : leur combat fut grand & beau : & ſi ceux qui y ſuruindrent ne les euſſent ſeparez, ils auroient pu demeurer tous deux ſur la place. Cependant quelque diligence que l’on pûſt aporter à empeſcher ce malheur, ils ne laiſſerent pas d’eſtre tous deux bleſſez : touteſfois. Beleſis le fut ſi legerement au bras gauche, qu’il n’en garda pas le lict : mais il n’en fut pas de meſme de Tiſias, qui reçeut deux coups d’Eſpée aſſez conſiderables, & qui eut beaucoup de deſavantage en ce combat. Car outre qu’il fut plus bleſſé que ſon Ennemy, il eut meſme le malheur que Beleſis luy arracha ſon Eſpée des mains, lors que voyant qu’on les vouloit ſeparer, il paſſa ſur luy, & la luy oſta de force. Cependant quoy que ce combat ne paſſaſt d’abord dans le monde que pour une querelle impreveuë, le Prince de Suſe ne laiſſa pas d’en eſtre fort irrité contre Beleſis : parce que s’eſtant fait redire le ſujet de leur querelle, il connut mieux que Tiſias ne l’avoit connu, que Beleſis l’avoit voulu pouſſer : de ſorte qu’encore que ce Prince euſt aſſez aimé Beleſis, an commencement qu’il fut à Suſe ; comme Tiſias eſtoit alors ſon Favory, il s’emporta fort contre Beleſis : & il n’y eut que ceux qui eſtoient bien deſintereſſez, & bien genereux, qui le furent viſiter en cette occaſion : toute la preſſe du monde allant chez Tiſias, comme eſtant Favory du Prince. Mais pour Hermogene, comme il a beaucoup de generoſité, & que de plus ce