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point Cleodore : mais à meſure que Cleodore favoriſoit Hermogene, les ſentimens de Beleſis devenoient plus tendres pour elle. La honte qu’il eut de ſon inconſtance s’augmenta, ſans que la paſſion qu’il avoit pour Leoniſe diminuaſt : ſi bien qu’il eſtoit le plus malheureux des hommes.

Les choſes eſtant donc en ces termes, il en aprit deux qui luy donnerent une merveilleuſe douleur : l’une fut qu’Hermogene avoit le Portrait qui avoit eſté à luy : & l’autre fut que le Prince de Suſe tramoit le mariage de Tiſias avec Leoniſe : & qu’enfin c’eſtoit une choſe reſoluë, & qui alloit eſclatter dans deux jours. Je ne vous rediray point tous ſes tranſports, car mon recit n’eſt deſja que trop long : joint auſſi que vous les connoiſtrez aſſez par ce qu’il fit, ſans qu’il ſoit beſoin de vous faire sçavoir ce qu’il penſa, & ce qu’il dit en cette rencontre. Je vous diray donc qu’apres avoir ſenty ces deux choſes avec des douleurs extrémes ; comme le mariage de Tiſias eſtoit le plus preſſé, & qu’alors la paſſion de Leoniſe eſtoit encore la paſſion dominante dans ſon cœur : il reſolut de quereller Tiſias ſur quelque autre pretexte, devant que l’affaire eſclattaſt : afin que le Prince de Suſe n’euſt pas lieu de prendre part à cette action, & de l’accuſer de luy avoir manqué de reſpect. Si bien qu’eſtant allé le joindre un matin au Temple, comme ſi ç’euſt eſté ſans deſſein, il en ſortit aveque luy : l’engageant en une converſation de nouvelles de guerre, & conteſtant opiniaſtrément tout ce que Tiſias luy diſoit. Car ſon deſſein eſtoit d’obliger Tiſias à le quereller : parce que connoiſſant l’humeur violente du Prince de Suſe, il aprehendoit d’eſtre banny, s’il paroiſſoit que ce fuſt luy qui euſt attaqué un