Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/59

Cette page n’a pas encore été corrigée

pas indifferente, plus il vous ſera avantageux, de ne me parler jamais comme vous venez de faire : & de ne perdre jamais le reſpect que l’on doit à une perſonne, je ne dis pas de ma qualité, mais de la vertu dont je fais profeſſion. De ſorte Madame, repliqua t’il, que moins je vous parleray de ma paſſion, plus vous la croirez violente ? le ne dis pas cela (reſpondit elle en ſous riant malgré quelle en euſt : ) mais je vous dis (adjouſta t’elle en prenant un viſage plus ſerieux) que ſi vous me diſiez encore une fois, ce que vous m’avez dit aujourd’huy, je croirois toute ma vie que vous ne m’eſtimez point : & par conſequent je ne vous aurois pas grande obligation Quoy Madame, s’écriat il, c’eſt vous donner une marque de peu d’eſtime, que de vous dire qu’on vous adore ? ha ſi cela eſt Madame, je ne vous le diray plus. Mais expliquez du moins mon ſilence, comme il doit l’eſtre en cette occaſion : ſouvenez vous, toutes les fois que vous me verrez ſeul aupres de vous ſans parler, que je penſe dans mon cœur, que vous eſtes la plus belle Perſonne de la Terre ; que je vous revere avec un reſpect ſans eſgal ; & que je vous aimeray juſques à la mort. Comme Panthée alloit reſpondre, Mexaris & Doraliſe entrerent dans la Chambre de la Princeſſe & l’en empeſcherent : il eſt vray que quelques uns de ſes regards, reſpondirent pour elle ſi cruellement au pauvre Abradate, que s’il euſt pû ſe reſoudre à laiſſer ſon Rival aupres de Panthée, il ſeroit ſorty à l’heure meſme.

Mais n’ayant pas cette force ſur luy, il demeura : & fut de la converſation le reſte du jour, qui fut aſſez divertiſſante, car il y vint beaucoup de monde un quart d’heure apres. D’abord elle ne fut que de la ceremonie qui