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Hermogene, ſouffrez donc Madame que je vous conjure de m’aſſurer, afin de me mettre l’eſprit en repos, que ſi l’oſte Leoniſe à Beleſis, vous donnerez Cleodore à Hermogene Non non, luy dit elle, je ne capitule point avec ceux que je veux qui me rendent office : & je ne sçay comment vous pouvez avoir la hardieſſe de me dire une ſemblable choſe. Mais Madame, reſpondit il, comment pouvez vous concevoir, qu’eſtant auſſi amoureux de vous que je le ſuis, je puiſſe eſtre capable d’aller empeſcher Beleſis d’eſpouſer Leoniſe ; moy, dis-je, qui dois ſouhaiter ardemment ce mariage ? Et comment pouvez vous vous imaginer que je ne craigne pas que vous ayez un deſſein caché, ſi vous ne vous engagez à rien ? Je veux meſme, adjouſta t’il, que vous n’en ayez point preſentement : mais apres tout, puis que vous n’avez pas haï Beleſis, tant qu’il ſera libre je dois tout craindre : car comme il y a tant de raiſons qui veulent qu’il ſe repente, je ſuis aſſuré que vous ne sçauriez reſpondre de vous s’il ſe repentoit effectivement c’eſt pourquoy Madame, ne trouvez s’il vous plaiſt pas mauvais, ſi je ne me reſous pas facilement à rompre un mariage qui pourroit cauſer le voſtre avec Beleſis. Enfin, luy dit elle, Hermogene, je voy bien que vous ne voulez pas me rendre l’office que je veux de vous : & que pour me deſobliger moins, vous feignez que ce ſoit par un ſentiment d’amour, quoy qu’en effet ce ne ſoit que par generoſité ſeulement. Je ne veux pas vous blaſmer de ce que vous faites, car je n’ay pas encore abſolu ment perdu la raiſon : mais auſſi n’ay-je pas lieu de m’en loüer, puis que comme je l’ay de-ja dit, vous me refuſez ce que je vous demande : & me refuſez meſme la choſe du monde que je deſire