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de m’inſtruire comment il la faut faire : puis qu’à parler veritablement, ſi j’ay commis quelque crime, ce n’eſt point à Jupiter à me le pardonner. C’eſt pourtant le plus Grand des Dieux, repliqua t’elle ; il eſt vray, dit il, mais comme il eſt juſte, il laiſſe aux autres Divinitez dont il eſt le Maiſtre, le pouvoir de remettre les crimes que l’on commet contre elles. Pour moy, dit Panthée, je croy que vous n’en avez offencé aucune : & que vous n’eſtes pas venu en cette Cour, pour le meſme ſujet qu’Adraſte. Il eſt vray Madame, repliqua Abradate, que ſon deſtin & le mien ſont bien differents : car il y eſt arrivé criminel, & je l’y ſuis devenu. Si cela eſt dit elle, on vous juſtifiera, comme on l’a juſtifié : faites le donc Madame, luy reſpondit il, en me pardonnant la hardieſſe que j’ay de vous aimer, plus que tout le reſte de la Terre. Panthée extrémement ſurprise du diſcours d’Abradate, quoy qu’elle n’ignoraſt pas la paſſion qu’il avoit pour elle, le regarda en rougiſſant : & prenant la parole avec aſſez de ſeverité dans les yeux, je sçay bien, luy dit elle, que l’uſage le plus ordinaire du monde, eſt de recevoir un ſemblable diſcours, comme une ſimple civilité : & de taſcher de deſtourner la choſe, comme une galanterie ditte ſans deſſein. Mais outre que je ſuis perſuadée, que celles qui en uſent ainſi, veulent peut-eſtre qu’on leur redie une ſeconde fois, ce qu’elles ſont ſemblant de ne vouloir pas croire la premiere : je croy encore que vous ayant eu de l’obligation dés le premier inſtant de noſtre connoiſſance, & vous eſtimant infiniment ; je dois avoir la ſincerité de vous dire, que ſoit que vous diſiez la verité, ou que vous ne la diſiez pas, cette hardieſſe me deſplaist. C’eſt pourquoy plus il ſera vray que je ne vous ſeray