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dit elle, vous eſtes coupable, & plus coupable qu’on ne sçauroit ſe l’imaginer. Car enfin, pourquoy aller remettre mon Portrait entre les mains de Cleodore, vous qui m’aviez refuſé le ſien ? N’eſtoit-ce pas aſſez que vous feigniſſiez de m’aimer pour la ſatiſfaire, & pour cacher la paſſion que vous aviez & que vous avez encore pour elle, ſans triompher de mon innocence & de ma credulité, en remettant dans ſes mains un Portrait que je ne vous ay pas meſme donné, & que je n’ay fait ſimplement que conſentir que vous gardaſſiez ; parce que vous aviez eu la diſcretion de ne me donner pas celuy de Cleodore ? Quoy Madame, interrompit il, vous croyez que j’ay donné volontairement voſtre Portrait a Cleodore ! il faut bien que je le croye, dit elle, car elle ne peut pas vous l’avoir pris aveque violence. Beleſis ſe mit alors à conjurer Leoniſe de ſouffrir qu’il ſe juſtifiaſt : mais elle luy reſpondit qu’elle croiroit pluſtoſt ſes yeux que ſes paroles : & quoy qu’il pûſt dire, il ne pût jamais obtenir la permiſſion de parler, Car Leoniſe avoit un ſi ſenſible dépit contre luy, de ce qu’elle croyoit qu’il avoit feint de l’aimer, qu’elle ne pouvoit ſouffrir qu’il ſe vouluſt juſtifier : il auroit pourtant à la fin laſſé ſon obſtination, & obtenu la liberté de dire ce qu’il euſt voulu, n’euſt eſté que la Tante de Leoniſe entra, qui ayant sçeu qu’elle ne vouloit voir perſonne, venoit s’informer elle meſme quelle eſtoit ſon incommodité. Mais elle fut bien ſurpriſe de voir Beleſis aupres d’elle ; c’eſt pourquoy prenant la parole, je penſois, dit elle à Leoniſe, vous trouver fort mal : mais au lieu de cela, je vous trouve en fort bonne compagnie, quoy qu’elle ne ſoit pas grande. Je vous au Lire, repliqua t’elle un peu interdite, que je ne m’en porte pas mieux, & vous me ſerez le plus grand plaiſir du monde, ſi vous pouvez