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moins ſoigneux & moins complaiſant qu’Abradate ; sçachant combien Panthée aimoit Doraliſe, & eſtimoit Perinthe, il taſcha de s’en faire aimer auſſi bien que luy. De ſorte que cét Amant ſecret de la Princeſſe, eut une perſecution, que perſonne que luy n’a peut eſtre jamais eſprouvée : qui fut de recevoir cent mille civilitez de ſes Rivaux, qu’il eſtoit obligé de leur rendre. Il avoit pourtant quelque conſolation, de voir que ſelon les aparences, Panthée n’aimeroit jamais Mexaris, à cauſe de la baſſesse de ſes inclinations ; & qu’elle n’eſpouseroit auſſi jamais Abradate, à cauſe de ſa mauvaiſe fortune. De ſorte que faiſant un grand effort ſur luy meſme, il rendoit à ces deux Princes, tout le reſpect qu’il leur devoit : & en parloit le moins qu’il luy eſtoit poſſible. Car comme il eſtoit trop ſage, pour dire ouvertement le mal qu’il penſoit de Mexaris ; & trop amoureux auſſi, pour prendre plaiſir à loüer Abradate : il évitoit l’un & l’autre autant qu’il pouvoit : & eſtant touſjours tres bien avec la Princeſſe & avec ſes Rivaux, il menoit une vie, ou s’il avoit quelques doux momens, il avoit auſſi de faſcheuses heures.

Cependant ces deux Princes, quoy qu’amoureux de Panthée, n’avoient pas encore eu la hardieſſe de luy deſcouvrir leur paſſion, lors qu’Adraſte, Frere du Roy de Phrigie, vint en cette Cour, pour ſe faire purger d’un crime qu’il avoit commis innocemment. Cette ceremonie s’eſtant faite, dans le Temple de Jupiter l’expiateur, il arriva qu’Abradate s’eſtant trouvé mal ce matin là, n’y fut point : ſi bien qu’eſtant venu chez la Princeſſe l’apres-diſnée, & l’ayant trouvée ſeule, elle luy demanda la cauſe pourquoy il ne s’eſtoit pas trouvé à cette ceremonie ? C’eſt parce Madame, luy repliqua t’il, que je n’avois pas beſoin