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car je luy ay oüy dire à elle meſme, que de ſa vie elle n’avoit eu l’eſprit ſi troublé. Ha Cleodore, s’écria Leoniſe, je n’ay jamais donné mon Portrait à Beleſis ! Je le veux croire, reprit elle, mais il n’a pas laiſſé de me le dire : & ce qui fait que je vous crois d’autant pluſtoſt, eſt que je ne luy avois pas donné le mien. II m’a pourtant dit, reprit Leoniſe en colere, qu’il le tenoit de voſtre main : & non ſeulement il me l’a dit, mais je penſe meſme qu’il l’a dit à Hermogene, car je l’ay oüy dire à ſa Sœur. Quoy qu’il en ſoit, dit Cleodore, j’ay crû que j’eſtois obligée de remedier au mal que j’avois fait : & de vous détromper abſolument. Mais pour vous faire voir, luy dit elle, qu’en vous deſcouvrant la verité, je ne le fais pas par jalouſie ; j’ay à vous dire que j’ay eu l’eſprit ſi choqué du procedé de Beleſis, que je me ſuis reſoluë de rompre aveque luy : & d’autant plus que j’ay sçeu par une autre voye, qu’il a encore une intelligence ſecrette dans Suſe, avec une perſonne de plus haute qualité. C’eſt pourquoy ſi vous m’en croyez, & que vous puiſſiez eſtre capable de croire les conſeils d’une perſonne qui a conſenty au commencement de la tromperie que l’on vous à faite ; vous vous détacherez de luy, comme je m’en veux détacher, & nous ne le verrons jamais. Je sçay bien, adjouſta t’elle, que ſi je regardois la choſe comme je la pourrois regarder, j’aurois lieu de me pleindre de vous : puis que par vos propres paroles, vous dittes avoir creû que je ne haïſſois pas Beleſis : & que cependant vous n’avez pas laiſſé de l’engager à vous aimer autant qu’il a eſté en voſtre puiſſance. Mais comme j’ay fait la premiere faute, je vous pardonne la ſeconde : m’offrant meſme de vous vanger de Beleſis, beaucoup mieux