pardonnez moy ſeulement le conſentement que j’ay aporté à la fourbe que Beleſis vous à faite. Mais pour vous monſtrer que je n’ay jamais eu intention qu’il pouſſaſt la choſe auſſi loin qu’elle a eſté, il faut que vous vous donniez la patience de m’eſcouter : je vous diray donc, qu’en conſentant à ce qu’il me propoſoit, je luy declaray que je voulois qu’il ſe contentaſt de vous dire quelques galanteries : ne voulant nullement qu’il allaſt vous engager à luy vouloir effectivement du bien : parce qu’alors ce n’euſt plus eſté une ſimple tromperie, mais une horrible trahiſon, dont je ne voulois pas eſtre capable. Il me promit donc ce que je voulus : & depuis cela je me mit l’eſprit en repos : connoiſſant bien que vous croiyez qu’il avoit quelque affection pour vous : & qu’ainſi vous ne ſoupçonniez pas qu’il m’euſt aimée ; ou que du moins ſi vous en ſoupçonniez quelque choſe, vous croiyez qu’il ne m’aimoit plus. Au commencement, je m’accouſtumay à luy demander ce qu’il vous diſoit, & ce que vous luy reſpondiez : mais à la fin je m’en laſſay, & ne m’en informay plus. Ayant remarqué depuis cela qu’il vous parloit beaucoup davantage, j’advoüe ma chere Leoniſe, que vos yeux m’ont eſté redoutables : & que j’ay eu peur que la feinte n’euſt ceſſé d’eſtre feinte. Je me ſuis donc reſoluë d’en dire quelque choſe à Beleſis : qui m’a juré plus de mille fois n’avoir jamais eu un moment d’amour pour vous. Et pour me le prouver plus fortement, il m’a non ſeulement offert de ne vous parler jamais, mais il m’a remis entre les mains tout ce qu’il a eu de vous, juſques à voſtre Portrait. En diſant cela, Cleodore le fit effectivement voir à Leoniſe : de vous repreſenter, Seigneur, l’eſtonnement & le dépit de cette belle Fille, il ne ſeroit pas aiſé :
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