cette Boiſte, où d’abord elle ne vit que ſa Peinture. Mais comme Hermogene luy avoit aſſuré ſi fortement que cette Boiſte eſtoit double, elle ſe mit à la conſiderer attentivement : de ſorte qu’elle la regarda tant, & la tourna de tant de coſtez, qu’à la fin lors qu’elle deſeſperoit de pouvoir trouver par où elle s’ouvroit, elle s’ouvrit tout d’un coup, & luy fit voir le Portrait de Leoniſe. Elle ne l’eut pas pluſtoſt veû, qu’elle le laiſſa tomber : car elle m’a raconté depuis tout ce qu’elle fit alors. Puis le reprenant un moment apres, elle le regarda encore une fois : en ſuitte dequoy le jettant ſur ſa Table, avec autant de colere que de douleur : ha Hermogene. s’eſcria t’elle, vous n’eſtes que trop veritable ! & plus taux Dieux que vous l’euſſiez eſté moins. Quoy perfide Beleſis, pourſuivit elle en elle meſme, il eſt donc bien vray que vous eſtes un inconſtant, & que vous m’avez trahie ? Quoy Leoniſe, adjouſta Cleodore, vous ne ſerez venuë à Suſe, que pour me rendre la plus malheureuſe perſonne du monde ? Quoy Hermogene, vous ne m’aurez aimée, que pour me faire sçavoir pluſtoſt la fourbe de voſtre Amy ? Mais à quoy bon, pourſuivit elle, me prendre à Beleſis, à Leoniſe, & à Hermogene, des maux que je ſouffre ? puis que c’eſt moy meſme que je dois accuſer de toutes mes diſgraces. Car en fin (adjouſta Cleodore, en s’adreſſant la parole comme à une tierce perſonne) à quoy t’a ſervy d’eſtre ſi difficile au choix de tes Amis, ſi tu as ſi mal choiſi un Amant ? Tu ne pouvois ſouffrir que quatre ou cinq Perſonnes en toute la Terre, & de ces quatre ou cinq tu en as preferé une aux autres : cependant c’eſt juſtement celle là qui te trahit & qui t’abandonne : toy qui abandonnois tout le monde pour Beleſis. Tu avois meſme
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