Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/561

Cette page n’a pas encore été corrigée

vous prieray-je de me venir faite une viſite dans ma Chambre, pour sçavoir ce que j’en auray trouvé. Apres cela Beleſis luy fit cent conjurations : en ſuitte il luy parla preſques avec colere : il s’en falut peu que meſme il n’employaſt ſes larmes auſſi bien que ſes paroles : mais à la fin il fut contraint de ſe taire : car Cleodore l’ayant remené, comme je l’ay deſja dit, dans la Compagnie, il ne pût plus l’entretenir en particulier. Pour luy en oſter meſme toutes les occaſions, elle ſe joignit à Leoniſe, et’ne la quitta point de tout le reſte du jour : je vous laiſſe à penſer, Seigneur, en quelle inquietude eſtoit Beleſis, & quelle impatience eſtoit auſſi celle de Cleodore, de pouvoir eſtre en lieu où elle pûſt s’eſclaircir ſi Hermogene luy avoit dit la verité. Elle fut ſi grande, qu’elle ſe pleignit du ſerain, long temps devant qu’il en fiſt, afin de faire finir la promenade le pluſtoſt qu’elle pourroit : au contraire Beleſis croyant trouver quelque remede au mal qu’il craignoit, & trouvant du moins quelque conſolation à le differer, faiſoit ce qu’il pouvoit pour la faire durer long temps : diſant à Cleodore qu’elle eſtoit peu complaiſante, de vouloir que toute une grande & belle Compagnie ſe privaſt d’un grand plaiſir pour l’amour d’elle.

Mais quoy qu’il pûſt dire, on ſe retira d’aſſez bonne heure : il eſpera pourtant que quand elle arriveroit chez elle, il pourroit peut-eſtre la remener juſques à ſa Chambre, & la preſſer encore de luy rendre ſon Portrait : mais elle demeura malicieuſement dans celle de ſa Tante, juſques à ce qu’il fuſt ſorty. A peine le fut il, qu’impatient de s’eſclaircir de ce qu’elle ſouhaitoit, & de ce qu’elle craignoit pourtant d’aprendre ; elle fut dans ſon Cabinet, où elle s’enferma & ſe mit avec une precipitation extréme, à ouvrir