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pas donné mon Portrait, reprit Cleodore, pour le laiſſer ſans y penſer : eh de grace, luy dit Beleſis fort interdir, ne redevenez pas capricieuſe : & ne me condamnez pas pour m’eſtre mal exprimé. Car enfin je n’ay pas voulu dire que je ne penſe point à vous : mais ſeulement que ſans en avoir eu le deſſein, j’ay laiſſe voſtre. Portrait dans mon Cabinet. Quoy qu’il en ſoit, dit elle je ne vous l’avois pas donné pour cela : cependant je vous prie de me le faire voir le pluſtoſt que vous pourrez : & de chercher meſme ſi vous ne l’avez point icy : car comme vous dittes que vous l’avez laiſſé ſans y penſer, peut-eſtre encore que ſans y penſer vous l’avez ſur vous. Beleſis s’obſtina long temps à ne vouloir pas chercher : diſant touſjours qu’il sçavoit bien qu’il ne l’avoit point : mais à la fin craignant de rendre ce qu’il diſoit ſuſpect à Cleodore, il fit ſemblant de voir s’il ne ſe trompoit pas. Pour cét effet, il regarda parmy des Tablettes qu’il portoit touſjours, comme s’il euſt voulu s’eſclarcir s’il n’y ſeroit point : aportant grand ſoin à ne tirer pas ce qu’il ne vouloit point que Cleodore viſt. Mais par malheur pour luy, un des fermoirs de ces Tablettes s’eſtant acrochée à un tiſſu de ſoye & d’or où la Boiſte du Portrait de Cleodore eſtoit penduë, en tirant des Tablettes il la tira auſſi : de ſorte que Cleodore ne la vit pas pluſtoſt, qu’elle la prit ſans que Beleſis l’en pûſt empeſher ; car par malheur pour luy, ce cordon ſe détacha facilement des Tablettes. Cleodore n’eut pas pluſtoſt cette Boiſte, que craignant que Beleſis ne la vouluſt reprendre, elle la mit dans ſa poche : puis ſe tournant vers luy, une autrefois (luy dit elle ſans s’eſmouvoir, & faiſant ſemblant de ne s’aperçevoir pas qu’il euſt voulu luy dire un menſonge) ne vous fiez