Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/554

Cette page n’a pas encore été corrigée

pas digne de l’honneur que vous luy faites, ſans en avoir moy meſme infiniment. Mais Madame, quand je ne voudrois pas eſſayer de faire revoquer le cruel Arreſt que vous avez prononcé contre moy, je penſe que pour voſtre intereſt ſeulement, je ſerois oblige de vous deſcouvrir ce que je sçay : car je ſuis perſuadé, qu’entre une Maiſtreſſe & un Amy, il n’y a point à balancer. Joint auſſi que je ne ſuis plus en termes de choiſir, ny de deliberer : puis qu’en l’eſtat où je ſuis reduit, il faut que je vous aprenne que Beleſis eſt un inconſtant ; que ſa jalouſie eſt feinte ; & qu’il eſt devenu amoureux de Leoniſe. D’abord Cleodore ne creut point du tout ce qu’Hermogene luy dit : & elle penſa qu’il inventoit ce qu’il luy diſoit. Mais comme il n’eſt rien ſi aiſé que de jetter la defiance dans un eſprit amoureux ; elle n’eut pas pluſtoſt dit à Hermogene qu’elle ne pouvoit adjouter foy a ſes paroles, qu’elle commença pourtant d’y en adjouſter. Car inſenſiblement, apres luy avoir dit qu’elle ne le pouvoit croire : elle vint à luy demander ſur quelles conjectures il avoit fondé la creance qu’il avoit ? de ſorte que peu à peu, & preſques ſans sçavoir ce qu’elle diſoit, elle demanda encore plus de choſes à Hermogene qu’il n’en sçavoit : & il luy en dit auſſi plus qu’elle n’en vouloit sçavoir. Neantmoins comme il demeuroit encore quelque doute dans l’eſprit de Cleodore, Hermogene luy dit que pour s’eſclaircir de cette verité, elle n’avoit qu’à taſcher de tirer des mains de Beleſis, la Boiſte dans laquelle eſtoit le Portrait qu’il avoit d’elle : afin d’y voir auſſi celuy de Leoniſe. Ha Hermogene, reprit Cleodore, ſi je puis voir ce que vous dittes, je haïray eſtrangement Beleſis ! vous le verrez ſans doute, reprit il, pour peu que vous y aportiez de ſoin. Mais Madame, adjouſta