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vaut il pas mieux qu’elle le sçache, aujourd’huy que cela me peut ſervir à quelque choſe, que d’attendre que cela ne me puiſſe ſervir à rien ? Plus vous cacherez voſtre crime, adjouſta t’il, & plus vous ſerez criminel : c’eſt pourquoy ſouffrez je vous en conjure, que je taſche de gagner ce que vous avez voulu perdre. Conſiderez, pour ne me refuſer pas, que c’eſt vous qui eſtes cauſe que j’aime Cleodore : puis que ſans vous je ne l’aurois jamais veuë ſi particulierement que j’ay fait. Je l’avois veuë toute ma vie ſans l’aimer : je l’aurois encore veuë de meſme le reſte mes jours : mais ayant eu la complaiſance de m’attacher à la voir pour vos intereſts, & en eſtant devenu amoureux, il eſt ce me ſemble juſte que vous faciez tout ce que vous pourrez pour ſoulager le mal que vous m’avez cauſé. Je voudrois le pouvoir faire, repliqua Beleſis fort interdit, mais je vous avoüe qu’il m’eſt impoſſible d’obtenir de moy, de vous permettre de deſcouvrir mon crime à Cleodore. De plus, adjouſta t’il, ne conſiderez vous point, que n’eſtant pas encore tout à ſait bien avec Leoniſe, il pourroit eſtre que Cleodore venant à sçavoir la verité, m’y rendroit cent mauvais offices ? c’eſt pourquoy quand j’aurois à vous permettre ce que vous deſirez, ce ne ſeroit que lors que j’aurois abſolument gagné le cœur de Leoniſe. Mais durant que vous ferez cette conqueſte, reprit Hermogene, que voulez vous que je devienne ? Cleodore dans ſix jours ne voudra plus que je luy parle, & ne voudra plus que je la voye : ſongez de grace, adjouſta t’il, ce que vous feriez, ſi vous eſtiez à ma place. Je n’en sçay rien, repliqua Beleſis, mais je sçay bien que je ne sçaurois vous permettre de deſcouvrir mon crime à Cleodore. Mais auſſi, reprit il, pourquoy en eſtes vous devenu