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beaucoup d’injuſtice, de le faire mettre en priſon ; la Reine ſa Mere avoit demande un Azile au Roy de Lydie ſon Frere pour ce cher Fils, qui n’eſtoit mal avec le Roy ſon Pere que pour l’amour d’elle. La cauſe de l’exil d’Abradate luy eſtant donc ſi favorable aupres de Creſus, il en fut fort careſſé, comme je l’ay deſja dit : & à ſon exemple, toute la Cour fit la meſme choſe. Et certes on peut dire que l’on ne faiſoit que luy rendre juſtice : eſtant certain que l’on ne peut pas voir un Prince plus accomply qu’Abradate. Auſſi apres que Panthée fut retournée chez elle le jour de la Chaſſe, elle en parla tout le ſoir : ce qui ne donna pas grand plaiſir à Perinthe, qui ſe trouva preſent lors qu’elle raconta au Prince ſon Pere, l’agreable avanture qu’elle avoit euë. Le lendemain Abradate ne manqua pas de faire une viſite de ceremonie à la Princeſſe Palmis, où la Princeſſe de Claſomene ſe trouva auſſi bien que toute la Cour : & le meſme jour vers le ſoir, il vint auſſi chez Panthée, des qu’il sçeut qu’elle eſtoit revenué du Palais du Roy.

Quelques jours ſe paſſerent, ſans que l’on s’aperçeuſt de l’amour d’Abradate, à la reſerve de Mexaris, de Perinthe, de Doraliſe & de moy : mais apres cela : il fut bien facile de voir qu’en effet ce Prince en eſtoit amoureux : car il ne parloit que de ſa beauté ; que de ſon eſprit ; & il ne perdoit pas une ſeule occaſion de la voir. Comme l’amour de Mexaris n’eſtoit pas encore fort publique, Abradate ne s’opoſa point à cette paſſion naiſſante, & ne creût pas que ce Prince euſt nul intereſt en la Princeſſe Panthée : ſi bien que s’abandonnant ſans reſistance aux charmes de cette admirable Perſonne, il ne fit point un ſecret de ſa paſſion. Cependant Mexaris qui en avoit une auſſi forte dans le cœur, qu’un avare en peut avoir