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pour vous les meſmes ſentimens que vous m’aprendrez qu’elle aura eus. Si je penſois que ce que vous dittes fuſt vray, repliqua Beleſis, je ferois ce que je vous ay deſja dit : mais je sçay que vous eſtes trop raiſonnable pour parler comme vous faites, & parler ſincerement. Car enfin quand il ſeroit vray que Cleodore m’auroit eſcrit obligeamment, & que j’aurois encore ſes Lettres, je ne devrois pas vous les donner : un Amant doit ſans doute obeir aveuglément à la Perſonne qu’il aime : mais non pas, comme je l’ay deſja dit, lors qu’on obeïſſant il s’expoſe à perdre ſon eſtime. Il eſt pourtant certaines choſes, reprit Leoniſe, qu’une Maiſtreſſe pourroit vouloir, qui en ne meritant pas ſon eſtime, pourroient neantmoins meriter ſon affection : & je ne sçay ſi celle que je veux de vous, n’eſt point de ce nombre là. Car encore que je ſois contrainte d’advoüer, qu’il eſt plus beau d’en uſer comme vous faites, que ſi vous en uſiez autrement : je ne laiſſe pas de connoiſtre qu’il n’eſt pas ſi obligeant : puis qu’apres tout, vous ne pouvez me refuſer que par deux raiſons : l’une parce que vous ne vous fiez pas à ma diſcretion & l’autre parce que peut-eſtre vous voulez touſjours eſtre en termes de renoüer avec Cleodore : & lequel que ce ſoit des deux, il n’eſt aſſurément pas Fort avantageux pour moy. l’advoüe, dit Beleſis, que quelque diſcrette que vous ſoyez, je ne croy point que je fuſſe obligé de vous confier rien qui pûſt nuire à une Perſonne que j’aurois aimée, & qui ne m’auroit pas haï : car enfin ſi je le faiſois, je vous donnerois un ſi bel exemple d’indiſcretion, que j’aurois lieu de croire que vous pourriez n’eſtre pas plus diſcrette que j’aurois eſté diſcret, ſans me donner un juſte ſujet de pleinte. Mais Madame,