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elle, quand vous m’aurez accordé ce que je vous demande. Je dois ſans doute vous accorder toutes choſes, repliqua Beleſis, excepté ce qui pourroit me faire perdre voſtre eſtime : car pour cela, Madame, l’amour que j’ay pour vous n’y pourroit jamais conſentir : c’eſt pourquoy ne trouvez pas s’il vous plaiſt mauvais que je vous refuſe ce que vous deſirez de moy. Car conment pourriez vous confier jamais à ma diſcretion la plus legere faveur, ſi j’allois ſeulement vous advoüer d’en avoir reçeu quelqu’une de Cleodore ? C’eſt bien aſſez Madame, luy dit il, que je l’abandonne pour vous, ſans la trahir encore ſi laſchement : auſſi ne crois-je pas que vous ayez fait reflection ſur ce que vous m’avez demandé. Veritablemcnt, adjouſta t’il en ſous-riant, ſi vous me diſiez que vous voulez sçavoir preciſément juſques à quel point elle m’a favoriſé, afin d’aller encore plus loin qu’elle n’auroit eſté : en ce cas là, je penſe que je ſupoſerois des Lettres, & que j’enventerois mille menſonges avantageux pour moy : mais comme je sçay bien que quand j’aurois effectivement reçeu mille faveurs de toutes les Belles qui ſont au Monde, vous ne m’en ſeriez pas plus favorable ; ne m’obligez pas s’il vous plaiſt à vous dire des fauſſetez : & ſi vous voulez que je vous raconte quelque choſe de ce qui c’eſt paſſé entre Cleodore & moy, ſouffrez Madame que ce ſoit ſa rigueur & ſa cruauté : afin que vous exagerant les maux qu’elle m’a fait ſouffrir, vous vous reſolviez à eſtre plus douce qu’elle, & à me rendre moins malheureux. L’exemple, reprit malicieuſement Leoniſe, eſt une choſe qui touche puiſſamment mon eſprit : c’eſt pourquoy ſi vous ne m’entretenez que des rigueurs de Cleodore, il pourra eſtre aiſément que j’auray