Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/534

Cette page n’a pas encore été corrigée

Leoniſe aprenant donc cette fourbe, fit tout ce qu’elle pût pour obliger Beleſis à remettre entre ſes mains le Portrait qu’il avoit d’elle : mais elle ne pût jamais l’y faire reſoudre, quoy qu’elle luy pûſt dire. Si bien que voulant trouver ſa ſeureté de quelque façon que ce pûſt eſtre ; & voulant auſſi contenter une curioſité qu’elle avoit il y avoit long temps ; ou eſprouver du moins la vertu de Beleſis : enfin Beleſis (luy dit elle apres beaucoup d’autres choſes) je ne puis croire que vous m’aimiez, ny me reſoudre à laiſſer mon Portrait entre vos mains, qu’à une condition : qui eſt, que vous remettiez entre les miennes, toutes les Lettres que vous avez de Cleodore : & meſme ſon Portrait : car ſans cela, je vous declare que je croiray que vous ne m’aimez point ; que vous aimez touſjours Cleodore ; & que vous ne portez ma Peinture qu’afin de mieux cacher la ſienne. Tout ce que vous me dittes eſt ſi injuſte, reprit Beleſis, que je veux m’imaginer que vous ne voulez pas que je le croye : joint que ce que vous voulez n’eſt pas meſme poſſible : car enfin Cleodore ne m’a jamais fait l’honneur de m’eſcrire : & pour ſon Portrait, je l’ay certainement eu par adreſſe auſſi bien que le voſtre : & par conſequent je ſerois peu ſincere, ſi je voulois le faire paſſer pour une faveur. Si cela eſt, dit Leoniſe en riant, vous ne devez ce me ſemble pas trouver ſi eſtrange que je ne face pas plus pour vous, que ce qu’a fait Cleodore : car je ne pretens pas eſtre moins ſevere qu’elle. Mais apres tout, adjouſta Leoniſe, je sçay de certitude que le Portrait que vous avez de Cleodore, vous l’avez eu de ſa main : & je sçay auſſi que vous avez cent Lettres d’elle. Si cela eſt, reprit Beleſis, ſoyez donc auſſi douce que Cleodore : je verray ce que je devray eſtre, reprit