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t’elle, où a mon advis vous ne pouvez pas reſpondre ſi preciſément : car enfin ſi vous n’aimez plus Cleodore, pourquoy regardez vous eternellement un Portrait que vous avez d’elle, des que vous le pouvez faire ſans qu’on puiſſe voir la Peinture qui eſt dans la Boiſte que l’on vous voir ouvrir ſi ſouvent ? Afin de sçavoir preciſément ce que je regarde (reprit Beleſis en montrant cette Boiſte à Leoniſe, & en la luy faiſant ouvrir à elle meſme) voyez le je vous prie : & jugez apres cela, ſi je ſuis coupable de prendre plaiſir à voir cette Peinture. Alors Leoniſe prenant cette Boiſte, & l’ouvrant du coſté que Beleſis la luy preſenta, fut eſtrangement ſurpriſe de voir qu’au lieu d’y trouver la Peinture de Cleodore, comme elle l’avoit creû, elle y trouva la ſienne. Ha Beleſis, s’eſcria t’elle en rougiſſant, vous eſtes bien plus criminel que je ne penſois : car enfin je ne trouve nullement bon que vous ayez un Portrait de moy : Beleſis craignant alors qu’elle ne vouluſt pas le luy rendre, reprit ſa Boiſte ſi adroittement, qu’elle n’eut pas le temps de s’y oppoſer. Je vous demande pardon Madame, luy dit il, de mon incivilité : mais je ſuis ſi malheureux, que je dois craindre de perdre la ſeule conſolation que voſtre rigueur me laiſſe. Ne vous y abuſez pas, dit Leoniſe, car ce n’eſt pas mon deſſein de vous la laiſſer, & de m’expoſer au danger que l’on croye que je vous ay donné mon Portrait : je ne ſuis pas aſſez vain, reprit Beleſis, pour me vanter d’avoir reçeu cette grace de vous : & vous devez croire qu’un homme qui cacheroit tres ſoigneuſement une veritable faveur, s’il l’avoit reçeuë, ne dira pas fauſſement que vous luy ayez accordé celle de luy donner voſtre Portrait. Vous n’avez pourtant pas eſté ſi diſcret, repliqua Leoniſe, que je