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beauté avoit cauſé dans le cœur d’Abradate. Car vous sçaviez, Madame, qu’il en devint ſi eſperdûment amoureux, des cette premiere entreveuë, qu’il m’a juré cent fois depuis, que ſa paſſion n’avoit point augmenté. Cependant apres avoir paſſé toute cette journée le plus agreablement du monde, toutes les Dames s’en retournerent à Sardis dans des Chariots : tous les Princes marchant à cheval, aupres de ceux où leur inclination les attiroit : c’eſt à dire Arteſilas & Cleandre, aupres de celuy de la Princeſſe Palmis : le Prince Atys aupres de celuy d’Anaxilée : & Mexaris, Abradate, & meſme Perinthe, aupres de celuy de la Princeſſe de Claſomene. Comme nous fuſmes à Sardis, tous les Princes menerent les Dames juſques à l’Apartement de la Princeſſe Palmis : en ſuitte dequoy, le Prince Atys mena Abradate à celuy de Creſus, à qui il le preſenta : & qui le reçeut avec beaucoup de témoignages d’affection & de joye. Car ayant touſjours fort aimé la Reine de la Suſiane ſa Sœur, de qui il avoit reçeu une Lettre il y avoit deſja quelque temps, qui l’advertiſſoit du voyage de ce Prince : il fut ravi de le voir dans ſa Cour, & de le trouver de ſi bonne mine & ſi plein d’eſprit. Comme la Reine ſa Mere avoit eu ſoin de luy faire aprendre la langue Lydienne, il la parloit ſi juſte, & avoit meſme ſi peu d’accent eſtranger, que tout le monde en eſtoit ſurpris : nous sçeuſmes quelques jours apres, qu’Abradate devoit ſejourner aſſez long temps en cette Cour, parce qu’il n’eſtoit pas bien avec le Roy ſon Pere, à cauſe qu’il avoit porté les intereſts de la Reine ſa Mere avec trop d’ardeur, contre un Frere aiſné qu’il avoit, qui n’avoit pas tant de vertu que luy, & qui devoit pourtant eſtre Roy. De ſorte que je Roy de la Suſiane l’ayant menacé, avec