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redire, tant elles ont fait peu d’impreſſion dans mon eſprit. Mais vous qui retenez mieux tout ce qu’un vous dit, adjouſta t’elle, dittes moy un peu ce que vous avez pû tant dire avec Hermogene, puis que les nouvelles n’ont point eu de part à voſtre converſation ? En verité, luy dit Cleodore, je ſuis plus ſincere que vous : car je vous advoüe que je me ſouviens fort bien de tout ce que m’a dit Hermogene : mais en meſme temps je vous declare que je ne vous le diray point : ſi du moins vous ne me dittes ce que Beleſis vous a dit de moy. Ne pouvez vous pas bien vous imaginer, reprit Leoniſe, ce que Beleſis & moy en pouvons dire ? Non pas en l’humeur où il eſt de puis quelques jours, repliqua Cleodore, c’eſt pourquoy je voudrois bien sçavoir s’il ne ſe pleint point de quelque choſe que j’ay ditte ſans y penſer. Il ne m’a pas ſemble qu’il ſe pleingne de vous, reprit Leoniſe ; que vous en a t’il donc dit ? repliqua Cleodore ; ſincerement, reſpondit Leoniſe, je ne sçaurois vous je dire : & je sçay ſeulement que nous avons parlé de vous, ſans sçavoir preciſément en quels termes. Je n’oublierois pas ſi toſt ce que l’on me diroit de vous, reprit Cleodore en rougiſſant de dépit d’avoir teſſmoigné inutilement qu’elle avoit tant de curioſité de sçavoir ce que Beleſis avoit dit elle : apres quoy, chacune ſe mettant à reſver de ſon coſté, elles paſſerent le reſte du ſoir ſans ſe parler qu’à mots interrompus. Voila donc où en eſtoient les choſes, lors qu’un homme de la plus haute qualité, & de la plus grande richeſſe, nommé Tiſias, devint amoureux de Leoniſe, auſſi bien que Beleſis : mais comme il n’eſtoit pas fort honneſte homme, elle ne pouvoit pas raiſonnablement tirer grande vanité de cette conqueſte. Touteſfois comme elle eſtoit jeune, &