Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/524

Cette page n’a pas encore été corrigée

que Cleodore reſvoit au procedé de Beleſis : tout d’UN coup Cleodore revenant de ſa reſverie, & ſe tournant vers Hermogene en ſous-riant ; ſi Beleſis, luy dit elle, n’entretient pas mieux Leoniſe que vous m’entretenez, & ſi Leoniſe auſſi n’eſt pas de meilleure converſation pour Beleſis que je ne ſuis pour Hermogene, nous ne leur avons pas rendu un grand office de les laiſſer ſeuls : & nous ne nous en ſommes pas rendus un fort grand à nous meſmes : puis que peut-eſtre ſi nous eſtions tous quatre enſemble, reſverions nous moins que nous ne faiſons. Je ne sçay pas Madame, reprit Hermogene, ce que vous feriez : mais pour moy je sçay bien que tout réveur que je ſuis, & que toute réveuſe que vous eſtes, j’aime mieux eſtre ſeul aupres de vous, que d’eſtre en plus grande compagnie. Il n’y a pourtant pas grand plaiſir, adjouſta t’elle, d’eſtre avec une perſonne de qui l’eſprit eſt diſtrait, & de qui la penſée eſt auſſi eſloignée de celle à qui elle parle, que ſi elle en eſtoit ſeparée par des Fleuves & par des Mers : & je vous advoüe que lors que je ſuis revenuë de ma reſverie, & que le vous ay trouvé auſſi loin de moy par la voſtre, que je l’eſtois de vous par la mienne, j’ay trouve cela fort incivil : & que j’ay fait deſſein de m’en corriger. Quoy Madame, interrompit Hermogene, vous croyez que je ne penſois point à vous, encore que je ne vous parlaſſe pas ! Je le croy ſans doute, reprit elle, mais pour vous aprendre à eſtre ſincere, & à ne nier pas la verité, je vous diray que cette fois là je juge d’autruy par moy meſme : eſtant certain qu’il n’y a qu’un moment que j’eſtois aupres de vous ſans y eſtre, & que j’en eſtois aſſez eſloignée. Nous ſommes donc bien oppoſez, dit Hermogene, car ſi vous n’eſtes pas aveque moy quand je ſuis aveque vous, je ſuis touſjours aupres