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dis. Je voy bien Madame, reprit il, que vous voulez que j’entende, que vous aimeriez l’inconſtance, & que vous haïriez l’inconſtant. Cependant il ne ſeroit ce me ſemble pas juſte, de me traiter plus cruellement que vous ne traitteriez un Amant qui n’auroit jamais rien aimé que vous, & qui ne quitteroit rien pour l’amour de vous. Mais Madame, ſi vous voyez ce que je perds pour vous aimer, je m’aſſure que vous avouërez que voſtre beauté ne vous a jamais donné de grandes marques de ſa puiſſance, qu’en aſſujettiſſant mon cœur. Comme Leoniſe alloit reſpondre, il arriva compagnie : de ſorte que cette converſation finit, ſans que Beleſis sçeuſt ſi Leoniſe croyoit ce qu’il luy diſoit, ou ſi elle ne le croyoit pas. Il eſpera pourtant qu’à l’avenir, elle prendroit garde de plus prés à ſes actions : & que par conſequent elle s’apercevroit plus qu’elle n’avoit fait de l’amour qu’il avoit pour elle.

Pendant cette converſation, Hermogene qui eſtoit allé avec Cleodore pour faire une viſite, n’ayant pas trouvé celle qu’ils alloient chercher, l’avoit ramenée dans ſi chambre, n’ayant pas voulu rentrer dans celle de Leoniſe : ſi bien que ſe trouvant dans la liberté de l’entretenir, ſi paſſion le ſollicita ſi puiſſamment d’aprendre à Cleodore ce qu’il ſouffroit pour elle, qu’il s’y reſolut. Il ne trouva pourtant pas aiſément les paroles avec leſquellſe il ſe vouloit exprimer : & je penſe que ſi Cleodore ne luy euſt, ſans y penſer, donné lieu de luy deſcouvrir ſon amour, il n’auroit pû tomber d accord avec luy meſme de ce qu’il luy vouloit dire, tant il avoit de peur de l’irriter. Mais apres avoir eſté un quart d’heure preſques ſans parler l’un ny l’autre, parce qu’Hermogene penſoit à ce qu’il avoit à dire, &