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douter. Comme il eſt une eſpece de raillerie, interronpit Leoniſe, dont la fineſſe conſiſte à parler comme ſi on parloit ſerieuſement, je veux croire que celle que vous faites preſentement eſt de cette nature : mais Beleſis, ce qui m’embarraſſe un peu, eſt de deviner à quoy cela vous peut ſervir : ſi ce n’eſt que vous veüilliez m’empeſcher de connoiſtre par là, que vous eſtes amoureux de Cleodore. Mais afin que vous n’emploiyez pas beaucoup de paroles inutilement, à me vouloir perſuader que vous ne l’aimez pas ; sçachez Beleſis que je sçay que vous l’aimez, depuis le jour que vous vinſtes à Suſe : j’advoüe, luy repliqua Beleſis avec quelque confuſion, que j’ay aimé Cleodore : mais afin que vous sçachiez la fin de cette paſſion, comme vous en sçavez la naiſſance, sçachez encore que comme je conmençay d’aimer Cleodore le jour que j’arrivay à Suſe, je ceſſay d’en eſtre amoureux, le jour que vous y arrivaſtes pour moy : c’eſt à dire le premier jour que j’eus l’honneur de vous y voir. Ha Beleſis, s’écria t’elle, vous vous ſouvenez ſans doute que je vous dis ce jour là, que je trouverois quelque plaiſir à faire un inconſtant, & à arracher des cœurs d’entre les mains de celles qui les auroient aſſujettis ! & c’eſt aſſurement pour me faire la guerre de cette folie que je dis ſans y penſer, que vous parlez comme vous faites. Nullement, reprit il en prenant un viſage fort ſerieux, mais c’eſt parce qu’en effet vous m’avez rendu inconſtant pour Cleodore, & le plus conſtant de tous les hommes pour la belle Leoniſe. L’inconſtance, reſpondit elle, eſt une choſe dont ceux qui en ſont une fois capables, peuvent l’eſtre toute leur vie : non pas, repliqua Beleſis, quand elle n’eſt pas née par caprice, mais par raiſon : & que la Perſonne que